Cancers ORL : les grands principes thérapeutiques



Cancers ORL :
les grands principes thérapeutiques
Gilles Poissonnet, Karen Benezery, Frédéric Peyrade, Alexandre Bozec,
René-Jean Bensadoun, Pierre Yves Marcy, José Santini, Olivier Dassonville
Disponible sur internet :
le 23 avril 2007
Institut universitaire de la face et du cou de Nice et Centre Antoine-Lacassagne,
Nice (06)
Correspondance :
Gilles Poissonnet, Centre Antoine-lacassagne, 33 avenue de Valombrose,
06189 Nice Cedex.
Tél. : 04 92 03 14 38
Fax : 04 92 03 15 68
gilles.poissonnet@cal.nice.fnclcc.fr
Key points
Upper aerodigestive tract carcinoma:
therapeutic management
Cancers of the upper aerodigestive tract cover the solid tumors of
the oral cavity, pharynx and larynx.
The principal risk factors identified are smoking and alcohol.
Moreover, the combination of alcohol and smoking increases the
relative risk by more than simple multiplication.
The pretreatment work-up represents the starting point in the
natural history of the patients disease and conditions recovery and
time course; it must be both specific and exhaustive. It leads to a
TNM classification or staging that is a major prognostic factor and
essential to determination of the appropriate therapy.
Patients with cancer of the upper aerodigestive tract must receive
cooperative multidisciplinary treatment.
Conservative treatment strategies must be favored. Treatment is
essentially surgical and radiological.
Prognosis for survival is poor. For all stages and sites together,
5-year survival remains between 30 and 40%.
Points essentiels
Les cancers ORL ou des voies aérodigestives supérieures regroupent
les tumeurs solides de la cavité buccale, du pharynx et du larynx.
Les principaux facteurs de risques identifiés sont le tabac et lalcool.
De plus, lassociation alcool-tabac surmultipliele risque relatif.
Le bilan préthérapeutique représente le point de départ dans
lhistoire de la maladie dun patient, il va conditionner sa guérison
ou son évolution, il se doit dêtre précis et exhaustif. Il aboutit à une
classification TNM qui est un facteur pronostique majeur et la clef de
voûte des indications thérapeutiques.
La prise en charge des patients atteints de cancers ORL doit faire
lobjet dune concertation thérapeutique pluridisciplinaire.
Les stratégies thérapeutiques conservatrices doivent être privilégiées.
Le traitement est essentiellement radiochirurgical.
Le pronostic de survie est mauvais. Pour tous stades et localisations
confondus, la survie reste en moyenne entre 30 et 40 % à
5 ans.
orl/cancérologie
en ligne sur / on line on
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Presse Med. 2007; 36: 163442
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tome 36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2007.03.036
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Situation actuelle et objectifs
Les cancers ORL ou des voies aérodigestives supérieures
(VADS) regroupent les tumeurs solides de la cavité buccale,
du pharynx et du larynx.
Ils sont fréquents en Europe et particulièrement en France où leur
incidence annuelle, la plus élevée après la Hongrie, constitue le
cinquième cancer le plus fréquent, après les cancers du sein, du
côlon et du rectum, de la prostate et du poumon. En France, cette
incidence a été estimée en 2000 aux alentours de 20 000 nouveaux
cas chez lhomme (4e rang par ordre de fréquence) et
3 000 nouveaux cas chez la femme (14e rang par ordre de fréquence).
La mortalité chez lhomme, après un pic de fréquence à
39 pour 100 000 en 1976, a été divisée par 2 à ce jour, soit un
retour au taux de 1950. Chez la femme si la mortalité est bien
moindre, en revanche, elle a doublé depuis 1950, pour être à ce
jour aux alentours de 8 pour 100 000. La mortalité des carcinomes
des VADS est très inégale selon les régions françaises, dans
les départements du Nord Pas-de-Calais, elle approche du double
de celle des départements du Sud-Ouest [1].
En France, 90 % des décès par cancer des VADS chez lhomme
sont attribuables au tabac et/ou à lalcool [1]. Il existe une
corrélation entre lâge du début de lexposition, la dose journalière,
la durée de lexposition et le risque carcinologique. La
mortalité par cancers des VADS est 7 fois plus élevée chez les
fumeurs de cigarettes que chez les non-fumeurs et reste 3 fois
plus élevée chez les ex-fumeurs que chez les non-fumeurs. Le
rôle du cannabis comme carcinogène est établi [2], en particulier
dans lincidence des cancers de la langue chez des sujets
de moins de 40 ans. En ce qui concerne lalcool, le risque est
proportionnel à la dose dalcool pur consommé, sans effet de
seuil. Lassociation alcool-tabac surmultipliele risque relatif
de cancer des VADS : un sujet qui fume 25 cigarettes et boit 10
verres de vin (environ 100 g dalcool pur) par jour voit son
risque relatif multiplié par 100.
Dautres facteurs de risque comme le bétel et les nitrosamines
carcinogènes pour le cancer de la cavité buccale, le virus EBV
(Epstein-Barr Virus) pour les carcinomes indifférenciés du nasopharynx
(UCNT), certains papillomavirus pour loropharynx ou le
larynx (HPV 16 et 18), lexposition aux hydrocarbures polycycliques
pour la cavité buccale et le larynx, lamiante pour le carcinome
du larynx, les poussières de bois pour ladénocarcinome de
lethmoïde sont connus. Limmunodépression induite par certains
traitements post-greffes ou acquise comme pour le sida prédispose
à la survenue dun cancer des VADS.
La meilleure prévention des cancers ORL passe par une réduction
effective et durable de la polyconsommation régulière du
tabac et de lalcool. Des actions éducatives régionales précoces
sont à la base de toute politique de prévention.
Le particularisme de ces tumeurs rend compte de lhistoire
naturelle de ces cancers qui touchent le plus souvent lhomme
de 50 à 70 ans.
En effet, dans leur grande majorité ce sont des carcinomes
épidermoïdes plus ou moins différenciés (90 % des cas).
Ces tumeurs siègent dans une région anatomique complexe,
aux nombreuses localisations et sous-localisations, dont la
lymphophilie est importante (15 à 50 % datteinte ganglionnaire
selon le site tumoral pour les cous N0) [3]. Ces particularités
compliquent à la fois le bilan préthérapeutique et le
traitement (abord chirurgical, procédé de réparation, balistique
des radiations ionisantes à hautes doses, etc.).
En France, la distribution de ces tumeurs selon la localisation
est approximativement la suivante : cavités nasosinusiennes et
nasopharynx 5 %, lèvres 10 %, cavité buccale 20 %, oropharynx
25 %, larynx 25 %, hypopharynx 15 %.
Le diagnostic est fait le plus souvent à un stade tardif chez des
patients souvent négligents car lévolution est essentiellement
locorégionale cervicofaciale, et cest à un stade déjà avancé
que le syndrome de masse endocavitaire et/ou cervical va
entraîner un retentissement fonctionnel sur les fonctions de
déglutition et de respiration. Une adénopathie cervicale indolore
dapparence isolée est souvent longtemps négligée par le
patient. Le larynx constitue une exception par la dysphonie
présente dès le début de la maladie pour les tumeurs de la
corde vocale.
Par ailleurs, on note la grande fréquence des localisations multiples
synchrones ou métachrones (10 à 20 %), le risque évolutif
important de récidive locorégionale et un taux de métastases
à distance (poumons, foie, os, système nerveux central)
de 5 à 15 %.
Les comorbidités associées sont fréquentes (plus de 50 % des cas
lors de la première consultation), notamment cardiorespiratoires,
hépatiques, vasculaires et les carences nutritionnelles multiples.
Enfin le caractère algique et mutilant de ces tumeurs malignes
qui vont devenir visiblesaggrave le handicap et augmente
encore les difficultés thérapeutiques, compliquées de plus par
un contexte socioprofessionnel souvent difficile.
Glossaire
CHEP cricohyoïdoépiglottopexie
CHP cricohyoïdopexie
EBV Epstein-Barr Virus
EFR épreuves fonctionnelles respiratoires
EGF Epidermal Growth Factor
IMRT radiothérapie par modulation dintensité
IRM imagerie par résonance magnétique
RC3D radiothérapie conformationnelle
en 3 dimensions
RCMI radiothérapie conformationnelle
avec modulation dintensité
REGF récepteur de lEGF
TDM tomodensitométrie
TEP tomographie par émission de positons
UCNT carcinomes indifférenciés
du nasopharynx
VADS voies aérodigestives supérieures
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Les objectifs thérapeutiques reposent dune part sur la prévention
primaire avec la diminution des facteurs de risque principaux
que sont le tabac et lalcool, la prévention secondaire par
le dépistage théorique des sujets les plus à risque (tabac
alcool, lésions précancéreuses, etc.) et dautre part sur la stratégie
thérapeutique adaptée de la maladie avérée (cas le plus
fréquent).
Le bilan préthérapeutique représente le point de départ dans
lhistoire de la maladie dun patient, il va conditionner sa guérison
ou son évolution, il se doit dêtre précis et exhaustif. Le bilan locorégional
nécessite une pan-endoscopie ORL sous anesthésie générale,
associée si possible à une fibroscopie bronchique et oesogastrique,
à la recherche dune seconde localisation (10 à 20 % des
cas) ou dune fréquente maladie associée (infection bronchique,
oesophagite, ulcère gastroduodénal, etc.). Des biopsies sont effectuées
à visée histodiagnostique et un schéma résume lexamen
endoscopique. Le bilan est complété par une imagerie médicale
orientée, tête et cou (TDM : tomodensitométrie, IRM : imagerie
par résonance magnétique, échographie) et à distance (TDM thoracomédiastinale,
TEP : tomographie par émission de positons).
Létat dentaire est apprécié (panorex, consultation spécialisée).
Le bilan préthérapeutique aboutit à une classification TNM qui
est un facteur pronostique majeur et la clef de voûte des indications
thérapeutiques.
Par ailleurs, un bilan général clinique et biologique selon le
terrain évalue non seulement lopérabilité mais aussi les suites
fonctionnelles prévisibles (EFR : épreuves fonctionnelles respiratoires,
bilan cardiologique, vasculaire, etc.). On précise ainsi
létat général et nutritionnel du malade, limpact des comorbidités
associées en utilisant des scores pour aboutir à des échelles
de classification pertinentes comme lindex de Karnovski, le
Performans Status de lOMS ou le score ASA. Lâge chronologique
du malade nest pas un facteur limitant, cest plutôt
lâge physiologique qui sera apprécié.
Stratégie thérapeutique
Traitements chirurgicaux
Les progrès de la chirurgie ont été réalisés dans 4 grandes
directions : lexérèse de la tumeur primitive, les évidements
ganglionnaires cervicaux, la réparation de la perte de substance
chirurgicale et la prise en charge du handicap pour les
chirurgies mutilantes (laryngectomisés).
En ce qui concerne les voies dabord chirurgicales, les techniques
les moins mutilantes sont utilisées, en favorisant les
voies camouflées comme le respect labial inférieur par la technique
du degloving pour les tumeurs buccopharyngées postérieures
(buccopharyngectomies transmandibulaires conservatrices)
[4] ou bien encore lusage de voies combinées
endorales et cervicales pour le pharynx, qui préservent la
mandibule. Cest aussi la voie vestibulaire supérieure endobuccale
pour les cavités nasosinusiennes.
Lexérèse de la tumeur représente la limitation des indications
de chirurgie mutilante du larynx (laryngectomie totale, pharyngolaryngectomie
totale) avec trachéostomie définitive aux
lésions évoluées T4 transglottiques ou en rattrapage postradique.
Les laryngectomies partielles et reconstructrices sont
le développement des techniques de conservation fonctionnelle
laryngée ; elles sadressent aux lésions limitées du
pharyngolarynx comme les laryngectomies ou pharyngolaryngectomies
supraglottiques, les hémipharyngolaryngectomies
supraglottiques ou supracricoïdiennes, la cricohyoïdoépiglottopexie
(CHEP), la cricohyoïdopexie (CHP), ou la
laryngectomie frontale antérieure reconstructive [5].
La chirurgie ganglionnaire cervicale est bien systématisée et
les aires de drainage sont sectorisées [6]. Les techniques de
curages ganglionnaires cervicaux ont évolué, elles sont de
plus en plus conservatrices, comme le curage dit fonctionnel
qui respecte la veine jugulaire interne, le nerf spinal et le muscle
sternocleidomastoïdien, mais aussi les branches de division
de la carotide externe, le réseau veineux jugulaire externe, et
les rameaux sensitifs profonds du plexus cervical. Lamélioration
des techniques dimagerie autorise la réalisation de curages
sélectifs de secteurs ganglionnaires précis, et la lymphoscintigraphie
et détection du ganglion sentinelle pour certaines
localisations tumorales de la cavité buccale (T1 et T2 N0) est
encore en cours dévaluation. Le curage dit traditionnel reste
réservé aux ganglions en rupture capsulaire ou à une masse
interstitielle cervicale.
Des progrès majeurs dans la chirurgie réparatrice de la face et
du cou ont été réalisés cette dernière décennie [7]. Elle répond
à des impératifs ambitieux qui sont une chirurgie la plus carcinologique
possible, la diminution des complications postopératoires
et de la morbidité afin de faciliter la réinsertion socioprofessionnelle
et de rétablir une qualité de vie optimale.
Les techniques de réparation font appel à des procédés classiques
comme les sutures simples, les greffes cutanées et les
lambeaux cutanés ou myocutanés locorégionaux pédiculés
(muscles grand pectoral, grand dorsal, etc.). Lavènement des
lambeaux pédiculés puis libres prélevés à distance et microanastomosés,
simples ou composites, autorise laugmentation
des marges de sécurité dexérèse par la possibilité de grandes
surfaces disponibles et le comblement de volumes importants
(cancers infiltrants). Ces lambeaux autorisent le sacrifice et la
réparation de structures complexes comme la réparation dune
interruption mandibulaire (transplant osseux de fibula
[péroné], parascapulaire, etc.), la reconstruction dun voile du
palais (lambeau antébrachial libre) ou dune voûte palatine,
des sillons vestibulaires ou pelvilinguaux.
Les lambeaux vont permettre aussi le rétablissement de la
continuité pharyngo-oesophagienne après pharyngolaryngectomie
circulaire (lambeau antébrachial microanastomosé,
etc.) ou de fermer un orostome ou un pharyngostome chirurgical
et protéger ainsi un axe carotidien en prévenant fistule et
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sepsis cervical particulièrement en situation post-radique. Ceci
implique une fiabilité optimale du lambeau et une morbidité
minimale du prélèvement.
En parallèle avec lobjectif carcinologique, la réinsertion socioprofessionnelle
grâce à une restauration de la qualité de vie
doit être prise en compte demblée. Il sagit de limiter les
séquelles fonctionnelles par la préservation ou le rétablissement
des fonctions de mastication, de déglutition, délocution
et douverture buccale, mais aussi de diminuer la rançon
esthétique à la fois cervicofaciale et au niveau du site de prélèvement
du lambeau. Cest donc savoir utiliser des techniques
fiables pour conserver la mobilité linguale et lindépendance
des structures anatomiques (vestibules, plancher de la bouche),
restaurer la continuité mandibulaire ou préserver la fonction
vélopharyngée, ou bien encore restaurer la sangle labiomentonnière
ou préparer et faciliter une réhabilitation
dentaire ultérieure. Pour cela, il faut disposer dun large choix
de moyens de reconstruction adaptés à chaque type dexérèse
et dune fiabilité maximale.
Toutes ces techniques vont trouver une place de choix dans la
réparation des tissus radionécrotiques ; il sagit dune chirurgie
délicate et difficile, comme celle de la prise en charge dun
pharyngostome post-radique évolué ou dune ostéoradionécrose
mandibulaire.
Enfin, la réhabilitation du laryngectomisé permet actuellement
dobtenir des résultats particulièrement gratifiants grâce à la
mise en place dune prothèse phonatoire dans le même
temps que celui de la laryngectomie, lutilisation précoce de
filtres de trachéostome puis dune valve phonatoire mains
libresqui permet une vocalisation quasi naturelle grâce à
une rééducation orthophonique ciblée.
Radiothérapie
La radiothérapie est un traitement dit locorégionalparce
quil agit directement sur la zone du cancer et sur sa proche
périphérie, notamment sur les premiers ganglions. Lirradiation
par voie externe (transcutanée) est le type de radiothérapie le
plus utilisé.
Le traitement par radiothérapie implique un compromis entre la
nécessité dirradier suffisamment le tissu cancéreux pour permettre
le contrôle local de la tumeur et la volonté dirradier au
minimum les tissus sains voisins afin de limiter la morbidité. Les
progrès technologiques en imagerie médicale, en informatique
et en radiothérapie ont permis, depuis une décennie, de développer
la radiothérapie conformationnelle, qui se conformeau
mieux à la géométrie dans lespace tridimensionnel de la
tumeur. La radiothérapie conformationnelle en 3 dimensions
(RC3D), en conformant les faisceaux dirradiation au volume
tumoral à traiter, présente théoriquement 2 avantages. Dune
part, pour une dose dirradiation similaire à la radiothérapie
conventionnelle, elle diminuerait la morbidité des tissus sains
voisins. Dautre part en permettant daugmenter la dose dans
les tissus cibles, elle vise à améliorer le contrôle tumoral local,
sans accroître la morbidité induite. On parle alors doptimisation
de lindex thérapeutique (rapport efficacité/toxicité).
Cela est dautant plus important dans les cancers des voies
VADS, où les volumes cibles tumoraux sont à proximité de
nombreux organes sensibles (que lon souhaite donc protéger)
comme la moelle épinière, la peau et les muqueuses, les pièces
osseuses et cartilagineuses, les dents, les glandes salivaires
(parotides), mais également les globes oculaires, les nerfs
optiques, lencéphale, etc. Il faut bien se représenter que le ou
les volumes-cibles considérés incluent non seulement la
tumeur proprement dite, mais également les territoires
dextension éventuels et les aires ganglionnaires de drainage.
Létape ultérieure est la radiothérapie conformationnelle par
modulation dintensité ou RCMI. Par son principe physique,
elle permet de modifier volontairement la dose au sein même
du champ dirradiation, en modulant lintensité en énergie des
faisceaux dirradiation [8]. Le progrès de cette technique,
devenue opérationnelle en France au cours de lannée 2000,
réside essentiellement dans sa capacité à épargner les organes
à risque et à couvrir de façon plus efficace (plus homogène et
plus précise) les volumes cibles. Cest notamment le cas où les
volumes cibles sont de forme concave autour dorganes à
risque (tumeur de la paroi pharyngée postérieure enroulée
autour de la colonne vertébrale par exemple) et plus particulièrement
en cas de nécessité dirradier de nouveau une
tumeur [9]. Cette technique permet également lescalade de
dose avec un meilleur index thérapeutique, avec comme
espoir un meilleur contrôle de la maladie et une amélioration
notable de la qualité de vie. En effet, la protection des glandes
salivaires peut apporter un confort non négligeable pour les
patients, en diminuant voire en évitant lhyposialie ou encore
xérostomie, séquelle parfois majeure bien connue des traitements
par irradiation sur la sphère ORL.
Lindex thérapeutique de la radiothérapie peut également être
augmenté par différents moyens comme les modifications du
fractionnement, lutilisation de radiosensibilisants ou de radioprotecteurs
ou lassociation avec de la chimiothérapie. Les progrès
obtenus (ou attendus) grâce à ces possibilités incitent à
sinterroger sur la place actuelle de la radiothérapie conventionnelle
dans les cancers des VADS [10].
Le fractionnement peut concerner la dose totale ou le temps
total. À partir des modifications de ces paramètres, trois schémas
sont possibles : hyperfractionné (augmentation de la dose
totale à temps constant), accéléré (diminution du temps total
sans modification de la dose totale) voire très accéléré (diminution
du temps total et de la dose totale).
Au cours de la radiothérapie hyperfractionnée, la diminution de la
dose/fraction permet dépargner les tissus sains à renouvellement
tardif concernés par les effets tardifs du traitement (fibrose,
nécrose). La dose peut être augmentée jusquà 80 Gy. Cette
radiothérapie modifiée savère supérieure à la radiothérapie
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conventionnelle en termes de contrôle tumoral local. En revanche,
elle a peu dimpact sur la survie. Cependant la toxicité tardive,
qui reste un facteur limitant de lirradiation, nest pas
influencée par laugmentation de la dose totale.
La radiothérapie accélérée se justifie par le fait que les cancers
épidermoïdes de la tête et du cou sont des tumeurs à prolifération
extrêmement rapide: leur temps de doublement potentiel
est de moins de 3 jours. Par ailleurs, par rapport à la radiothérapie
conventionnelle, lallongement de la radiothérapie a
un effet néfaste lié à la probabilité de perte de contrôle tumoral,
qui est variable, mais constante. Doù lidée daccélérer le
traitement pour obtenir de meilleurs résultats. Une hypothèse
qui semble confirmée en termes de contrôle local de la
tumeur, mais, là encore, sans effet significatif sur la survie.
Enfin, la curiethérapie consiste à délivrer des rayons au plus
près de la tumeur par lintermédiaire de sources radioactives
telles que le césium-137, liridium-192 ou liode-125.
Ces sources sont appliquées dans lorganisme au contact des
cellules cancéreuses, soit directement, soit scellées dans des
vecteurs. Cette méthode permet dirradier la tumeur en protégeant
au maximum les organes voisins et dans certains cas
déviter les traitements chirurgicaux. La curiethérapie sadresse
au traitement de tumeurs de petit volume, aux contours précis
et facilement accessibles (voile du palais, luette, etc.).
Les effets secondaires observés durant lirradiation sont essentiellement
la radio-épithélite et la radiomucite qui peuvent
nécessiter la mise en place dune alimentation entérale continue
par sonde. Ils sont habituellement réversibles mais leur
intensité peut parfois imposer larrêt du traitement qui est un
facteur pronostique péjoratif pour le contrôle de la maladie et
la survie. Les complications chroniques surviennent à partir de
la sixième semaine après la fin du traitement ; les plus fréquentes
sont la xérostomie et linduration tégumentaire cervicale.
Les complications dentaires doivent être prévenues par la
remise en état avant traitement et par des soins quotidiens
(bains de bouche, gouttières fluorées) à vie. La toxicité tardive
comme la constriction permanente des maxillaires, la sténose
pharyngée, la nécrose laryngée et la myélite post-radique plus
rares sont toujours à redouter. La toxicité actinique peut être
majorée par une chimiothérapie concomitante.
Chimiothérapie
La chimiothérapie a été proposée pour tenter daméliorer le
contrôle local et la survie selon plusieurs modalités [4, 11] :
en induction, adjuvante ou concomitante à la radiothérapie.
Jusquà présent, aucun des médicaments utilisés, seuls ou
combinés, en induction ou dans un but adjuvant na jamais
démontré un bénéfice significatif sur la survie quels que soient
le stade et la localisation tumorale [12].
Cependant, la chimiothérapie dinduction a montré un intérêt
dans la préservation laryngée, des cancers avancés du larynx
et de lhypopharynx, avec une bonne corrélation entre la chimiosensibilité
et la radiosensibilité, en permettant des taux de
larynx préservés non opérés de lordre de 40 à 60 % à survie
inchangée [12-15]. Les modalités actuelles reposent soit sur
ladministration classique de cisplatine à 100 mg/m2 à J1 et de
5-FU à 1 000 mg/m2 de J1 à J5, selon 3 cycles débutant à J1,
J22, J43 (protocole PF), soit sur une combinaison de taxotère à
75 mg/m2 à J1, de cisplatine à 75 mg/m2 à J1 et de 5-FU à
750 mg/m2 de J1 à J5, selon 3 ou 4 cycles débutant à J1, J22,
J43 (protocole TPF, essais EORTC 24971/TAX 323). Lapport du
taxotère a permis la diminution des doses de cisplatine et de
5-FU favorisant ainsi la tolérance et lobservance au traitement.
Le protocole TPF suivi de radiothérapie est significativement
supérieur au protocole PF suivi de radiothérapie en termes
de taux de réponse, de survie sans progression de la
maladie et de survie globale (essai GORTEC 2000-01). Lefficacité
du protocole TPF en induction a été confirmée avant radiochimiothérapie
(avec carboplatine) en termes de survie sans
progression (essai TAX 324). La chimiothérapie dinduction
puis concomitante à la radiothérapie améliore le taux de
réponse au prix dune toxicité muqueuse plus élevée de
lordre de 20 % [16]. Le protocole TPF simpose actuellement
comme le nouveau standard quand une chimiothérapie
dinduction est indiquée.
Lassociation concomitante de la chimiothérapie cytotoxique et
de la radiothérapie permet daméliorer le contrôle local et de
réduire le risque de dissémination métastatique des tumeurs
avancées (stades III et IV). Elle est également une alternative
possible comme traitement exclusif des tumeurs du pharyngolarynx
qui relèvent dune laryngectomie totale [17].
La radiochiomiothérapie a été évaluée avec une monothérapie
(5-FU, hydroxyurée, mitomycine, sels de platine) ou en
polychimiothérapie.
Actuellement elle peut être considérée comme un traitement
standard des tumeurs de stades III et IV non résécables, en
sachant que la mucite en est le principal facteur de toxicité
limitant [18]. La toxicité tardive est plus fréquente pour les
tumeurs du larynx et de lhypopharynx, et son bénéfice na
pas été réellement démontré chez les patients âgés de plus de
70 ans.
Deux essais randomisés comparant la radiothérapie et la radiochimiothérapie
postopératoire (avec 3 cures de cisplatine) chez
des patients atteints dun cancer des VADS avec au moins
2 facteurs de risques péjoratifs (marges dexérèse tumorale,
adénopathie en rupture capsulaire) ont démontré une amélioration
de la survie en faveur de la radiochimiothérapie postopératoire
(EORTC 22981, RTOG 9501) [14, 19].
Des protocoles de réirradiation avec chimiothérapie concomitante
pour les récidives locorégionales ont été proposés sans
progrès décisifs en termes de survie et au prix dune toxicité
élevée. Le traitement des récidives locorégionales par réirradiation
avec chimiothérapie concomitante (5-FU et hydroxyurée)
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après chirurgie de rattrapage [20] na montré quun avantage
en ce qui concerne la survie sans progression de la maladie et
aucune amélioration de la survie globale.
Thérapies ciblées
Les avancées récentes dans la compréhension des mécanismes
moléculaires de loncogenèse et particulièrement dans les voies
de la signalisation cellulaire ont permis de développer des drogues
plus spécifiques qui ciblent sélectivement les cellules cancéreuses.
Dans le cas des cancers ORL, le récepteur membranaire à
lEGF (Epidermal Growth Factor) est souvent surexprimé par les
cellules tumorales [21, 22]. Cette surexpression majore le niveau
de prolifération tumorale, le risque de récidive métastatique et le
risque de radiorésistance. Cest un facteur pronostique indépendant
reconnu (mais peu utilisé) ainsi quune cible thérapeutique
de choix, soit par lutilisation dun anticorps monoclonal (cétuximab),
soit par lapplication dun inhibiteur spécifique de lactivité
tyrosine-kinase intracellulaire du REGF ou récepteur de lEGF (erlotinib,
géfitinib). Des résultats cliniques récents ont montré un
effet chimio et radiosensibilisant de drogues ciblant le REGF
[23]. Une étude récente multicentrique a démontré la supériorité,
en termes de contrôle local et de survie, de lassociation dun
anti-REGF (cétuximab) radiothérapie, versus radiothérapie seule,
concernant des tumeurs avancées (stades II et IV) non métastatiques,
sans augmentation de la toxicité [24]. La critique principale
de cet essai étant un bras de référence non optimal puisque
ne comportant que de la radiothérapie sans chimiothérapie.
Lapport des thérapies ciblées combinées à la chimiothérapie pour
le traitement des cancers en récidive locorégionale ou en phase
métastatique et progressant sous chimiothérapie est encore en
évaluation. Deux études récentes de phase II ont montré la faisabilité
en termes de tolérance (anémie, réaction acnéiforme, troubles
digestifs), sans augmentation de la survie [25-27].
Traitements associés
Dès lannonce du diagnostic le patient est inscrit dans un parcours
de soins balisé. Les soins de support multidisciplinaires
sont coordonnés. Ils contribuent à la prise en charge globale
du malade tout au long de sa maladie. Ils concernent la douleur,
lasthénie, les problèmes nutritionnels, digestifs et odontologiques,
les troubles respiratoires, le handicap phonatoire
(laryngectomisés), la réadaptation sociale et laide psychologique
(souffrance psychique et dénaturation de limage corporelle).
Laide au sevrage de lalcool et du tabac est réalisée
autant que possible. Cette prise en charge continue va
jusquau stade ultime de laccompagnement en fin de vie
dans les situations palliatives sans possibilité curative.
Indications
Le traitement des cancers ORL nécessite un bilan préthérapeutique
très précis de lextension tumorale locorégionale ainsi
que du terrain et de la comorbidité associée. Il doit prendre
en considération à la fois le site tumoral primitif et les aires
ganglionnaires cervicales (métastases) de principe ou de
nécessité [3, 10].
Plusieurs techniques peuvent être utilisées, seules ou combinées.
Si la chirurgie et la radiothérapie peuvent à elles seules
être curatrices, la chimiothérapie ne peut se concevoir quen
association néoadjuvante ou synchrone de la radiothérapie
unique ou postopératoire. Ces méthodes thérapeutiques multiples,
dans leur choix comme dans leurs modalités, la complexité
même de ces tumeurs sur le plan anatomofonctionnel,
lévolution locorégionale naturellement monstrueuse, imposent
tout naturellement la nécessité dune réflexion et dun
choix multidisciplinaire, le respect des référentiels classiques
(standards, options et recommandations, niveaux de preuves,
etc.), létablissement de thésaurus par unité de concertation,
la définition de critères de choix et darbres décisionnels adaptés
par les équipes traitantes : traitement exclusif par chirurgie
ou radiothérapie, choix des traitements combinés (chirurgie ou
radiothérapie première), indications des traitements de rattrapage
dans les cas encore fréquents de récidive locorégionale.
La concertation multidisciplinaire permet en outre linclusion
de certains malades dans les essais thérapeutiques en cours.
Elle permet aussi une prise en charge optimale des soins de
support (algologie, renutrition par sonde nasogastrique ou gastrostomie,
soutien psychologique, etc.).
Il existe des facteurs déterminants dans le choix thérapeutique
que sont : la localisation et la sous-localisation tumorale,
laspect macroscopique lésionnel (bourgeonnant ou infiltrant,
inflammatoire, bien limité ou non), la taille tumorale, le statut
ganglionnaire et la présence de métastases à distance (stade
TNM), le contexte carcinologique historique (récidive, seconde
localisation, post-radique, etc.), lâge physiologique et la
comorbidité.
Les tendances thérapeutiques actuelles, dans le respect des
principes de la carcinologie, sont au développement des stratégies
conservatrices, chirurgicales ou non chirurgicales [17].
Dans les centres spécialisés, la recherche clinique a pour but
de favoriser les progrès thérapeutiques à partir des résultats
des études cliniques et de définir des nouveaux protocoles.
Selon les stades
Pour les tumeurs débutantes T1-T2 N0, selon la localisation, le
traitement de choix est la chirurgie fonctionnelle ou la radiothérapie
exclusive (curiethérapie, conventionnelle ou IMRT :
radiothérapie par modulation dintensité). La chirurgie peut
être transorale, endoscopique (laser CO2) ou par voie cervicale
(pharyngectomies et laryngectomies partielles) ; pour la majorité
des cas, un curage ganglionnaire sélectif ou radical modifié,
uni ou bilatéral est réalisé de principe. Il ny a pas de place
pour la chimiothérapie.
Cancers ORL : les grands principes thérapeutiques
orl/cancérologi e
tome 36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1639 Mise au point
Pour les tumeurs évoluées T3-T4 N > 0, plusieurs options sont
possibles, le choix doit être adapté à chaque cas particulier.
La chirurgie, fonctionnelle ou radicale et réparatrice sur la
tumeur et les ganglions, sera toujours suivie dune radiothérapie
postopératoire conventionnelle ou associée à la chimiothérapie
si des facteurs de mauvais pronostic sont présents.
La radiothérapie exclusive, sur le mode conventionnel, bifractionnée,
ou accélérée avec concomitant boost, peut être associée
à la chimiothérapie ou à une thérapie moléculaire ciblée
(cétuximab 400 mg/m2 une semaine avant le début de la
radiothérapie puis 250 mg/m2 hebdomadaire pendant la
durée de la radiothérapie) [27]. La chimiothérapie concomitante
fait appel au cisplatine, au 5-FU, au carboplatine et à la mitomycine
C, selon des schémas de mono ou polychimiothérapies.
La préservation laryngée fait appel soit à une chimiothérapie
dinduction selon le protocole PF ou TPF suivi de radiothérapie
conventionnelle en cas de réponse > 50 % ou de laryngectomie
totale, curage bilatéral et radiothérapie complémentaire
en cas de réponse < 50 % ; soit à une radiochimiothérapie
avec du cisplatine à 100 mg/m2 à J1, J22 et J43 puis une surveillance
simple en cas de réponse complète ou une laryngectomie
totale et un curage ganglionnaire en cas de réponse
incomplète [4, 10, 17].
Selon la localisation
Les carcinomes de la cavité buccale sont de façon classique
traités et contrôlés par la chirurgie dans 60 à 90 % des cas,
la radiothérapie postopératoire étant réservée aux formes infiltrantes
évoluées ou aux cas datteinte ganglionnaire multiple.
Les tumeurs de loropharynx sont traitées en première intention
soit par radiothérapie, soit par chirurgie suivie de radiothérapie
pour les formes plus infiltrantes (en particulier le sillon
amygdaloglosse).
Pour les carcinomes du larynx : les tumeurs limitées peuvent
être traitées par la chirurgie fonctionnelle exclusive, mis à part
le cas particulier de la corde vocale où la radiothérapie exclusive
en champs étroits reste une excellente indication. Pour les
tumeurs plus évoluées la laryngectomie totale garde une indication
pour les lésions transfixiantes cartilagineuses ou les
extensions sous-glottiques avancées ; dans les autres cas, des
protocoles de conservation laryngée doivent être proposés.
Pour les carcinomes de lhypopharynx, les lésions limitées
peuvent être traitées par chirurgie partielle suivie de radiothérapie,
les formes évoluées relevant de protocoles de préservation
laryngée, la chirurgie mutilante (pharyngolaryngectomie
totale, pharyngolaryngectomie circulaire) étant plutôt réservée
pour le rattrapage des échecs médicaux [4].
Les carcinomes des cavités nasosinusiennes sont traités préférentiellement
par lassociation chirurgie suivie de radiothérapie
externe.
Le carcinome peu différencié du cavum est traité par radiothérapie
exclusive selon le mode conformationnel ou au mieux
par RCMI (radiothérapie conformationnelle avec modulation
dintensité) pour les formes limitées (T1 et T2 N0), tandis
que pour les formes plus évoluées, lassociation dune chimiothérapie
avec la radiothérapie est la règle [28].
Résultats
La localisation, la taille de la tumeur primitive et les métastases
ganglionnaires cervicales sont les principaux facteurs qui déterminent
la survie des carcinomes épidermoïdes des VADS.
Lanalyse des taux de survie est rendue difficile par la grande
hétérogénéité de ces tumeurs, par limportance de la lymphophilie
et son retentissement dans la survie, par la complexité
des traitements mis en oeuvre et la difficulté de mener des
essais randomisés prolongés dans le temps. Tous stades et
localisations confondus la survie reste en moyenne entre 30 et
40 % à 5 ans [11].
Selon le stade
En ce qui concerne les tumeurs débutantes T1-T2 N0, le
contrôle local est de lordre de 90 % et la survie à 5 ans de
lordre de 80 %. Le risque essentiel est lapparition dun
second cancer dans les 2 ans.
Pour les tumeurs avancées T3-T4 N > 0, le contrôle locorégional
de la maladie est de 40 à 80 % selon la localisation et la
survie à 5 ans de 20 à 50 %. Le risque de récidive locale est de
40 à 60 % ; celui de métastases à distance de 15 à 30 % ; celui
de second cancer de 10 à 15 %.
Selon la localisation
Pour la cavité buccale, la survie globale moyenne à 5 ans est
de lordre de 50 % tous stades, sous-localisations (plancher,
langue, palais, face interne de joue, etc.) et traitements
confondus.
Pour loropharynx, la survie à 5 ans varie de 10 à 60 % selon le
stade et la sous-localisation (amygdale, vallécules, base de
langue, paroi pharyngée postérieure).
Pour le larynx le taux de survie globale à 5 ans tous stades
confondus est de lordre de 60 % (80 à 95 % pour les petites
tumeurs de la corde vocale, mais aux alentours de 50 % pour
les tumeurs plus avancées).
Pour lhypopharynx (tous stades et sous-localisations confondus),
les résultats globaux en termes de survie restent médiocres,
de lordre de 15 à 25 % à 5 ans.
La survie à 5 ans des carcinomes épidermoïdes des cavités
nasosinusiennes est de 50 à 70 % pour les tumeurs limitées
(T1 T2), et de 25 à 30 % pour les formes évoluées (T3 T4).
Lassociation radiochimiothérapie concomitante a montré des
taux de survie de plus de 70 % pour des formes avancées
des carcinomes nasopharyngés (stades III et IV) [28].
Les cancers de la tête et du cou présentent un risque important
de récidive locorégionale lors des 2 premières années qui
Poissonnet G, Benezery K, Peyrade F, Bozec A, Bensadoun RJ, Marcy PY et al.
tome 36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1640
suivent le traitement initial. Le traitement de ces récidives
reste difficile et souvent décevant, particulièrement quand la
récidive survient après un traitement chirurgical suivi de radiothérapie
postopératoire. La question dune chirurgie de rattrapage
après radiochimiothérapie devient une éventualité de
plus en plus fréquente, mais le pourcentage de patients qui
peuvent en bénéficier nexcède pas 50 %, excepté pour les
récidives laryngées. Les résultats en termes de survie se
situent alors autour de 15 à 25 % à 5 ans. Par ailleurs, les
résultats fonctionnels après chirurgie de rattrapage sont souvent
médiocres [29].
Le risque de métastase à distance est de lordre de 15 % par
an, plus particulièrement encore pour certaines localisations
comme loropharynx ou lhypopharynx.
Conclusion
Concernant les tumeurs limitées, la chirurgie fait appel aux
techniques de conservation fonctionnelle, tandis que pour les
tumeurs avancées, les pertes de substance sont traitées par
des techniques de reconstruction complexes, notamment par
les lambeaux libres.
La radiothérapie conformationnelle apporte un progrès indiscutable
dans la prise en charge de ces tumeurs tant sur le plan
de lefficacité que des effets adverses. Pour les tumeurs avancées,
la radiochimiothérapie concomitante et la radiothérapie
hyperfractionnée (escalade de doses) ont montré une augmentation
modérée mais significative des taux de survie et
de contrôle locorégional. La radiochimiothérapie postopératoire
est indiquée dans les formes de mauvais pronostic chez
les sujets âgés de moins de 70 ans. Lassociation du cisplatine,
du 5-FU et du taxotère est le nouveau standard de la chimiothérapie
dinduction pour la préservation laryngée dans les
tumeurs avancées (T3-T4).
Lassociation dune thérapie moléculaire ciblée à la radiothérapie
a montré sa supériorité (par rapport à la radiothérapie
exclusive) dans la survie pour les tumeurs avancées.
Le traitement des récidives locales dépend des possibilités de
rattrapage chirurgical et/ou de la réirradiation dont les indications
restent souvent limitées.
Lefficacité de certaines molécules en phase 2 métastatique
na jamais été confirmée dans les phases 3 où le bras de référence
comprenait des sels de platine.
La classification TNM reste le meilleur indicateur pronostique
de la survie.
Si les progrès thérapeutiques ont indiscutablement apporté
une amélioration en termes de morbidité et de qualité de
vie, et si les petites tumeurs gardent un pronostic acceptable,
avec un contrôle local dans 80 % des cas, dans les tumeurs
avancées le contrôle local est obtenu dans seulement 30 à
60 % des cas et la survie à 5 ans est de 15 à 40 %.
Concernant les thérapeutiques classiques de ces tumeurs ORL,
les progrès potentiels que lon peut attendre, notamment en
balistique de radiothérapie, en chirurgie réparatrice avec les
lambeaux libres, avec de nouvelles drogues cytotoxiques en
chimiothérapie, amélioreront très certainement le pronostic
de ces tumeurs. Cest lassociation de ces thérapies standards
qui permettra un meilleur contrôle tumoral. Le développement
des essais cliniques coopératifs est un impératif pour tester
objectivement ces nouvelles stratégies.
Cest certainement en biologie moléculaire que les progrès
sont à attendre en améliorant la connaissance de la signalétique
des cellules tumorales, pour mettre en évidence de nouvelles
cibles thérapeutiques.
Conflits dintérêts : aucun
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