Cancers
ORL :
les
grands principes thérapeutiques
Gilles
Poissonnet, Karen Benezery, Frédéric Peyrade, Alexandre Bozec,
René-Jean
Bensadoun, Pierre Yves Marcy, José Santini, Olivier Dassonville
Disponible
sur internet :
le
23 avril 2007
Institut
universitaire de la face et du cou de Nice et Centre Antoine-Lacassagne,
Nice
(06)
Correspondance
:
Gilles
Poissonnet, Centre Antoine-lacassagne, 33
avenue de Valombrose,
06189
Nice Cedex.
Tél.
: 04 92 03 14 38
Fax
: 04 92 03 15 68
gilles.poissonnet@cal.nice.fnclcc.fr
■ Key points
Upper
aerodigestive tract carcinoma:
therapeutic
management
Cancers
of the upper aerodigestive tract cover the solid tumors of
the
oral cavity, pharynx and larynx.
The
principal risk factors identified are smoking and alcohol.
Moreover,
the combination of alcohol and smoking increases the
relative
risk by more than simple multiplication.
The
pretreatment work-up represents the starting point
in the
natural
history of the patient’s disease and conditions recovery and
time
course; it must be both specific and exhaustive. It leads to a
TNM
classification or staging that is a major prognostic factor and
essential
to determination of the appropriate therapy.
Patients
with cancer of the upper aerodigestive
tract must receive
cooperative
multidisciplinary treatment.
Conservative
treatment strategies must be favored. Treatment is
essentially
surgical and radiological.
Prognosis
for survival is poor. For all stages and sites
together,
5-year
survival remains between 30 and 40%.
■ Points essentiels
Les
cancers ORL ou des voies aérodigestives supérieures regroupent
les
tumeurs solides de la cavité buccale, du pharynx et du larynx.
Les
principaux facteurs de risques identifiés sont le tabac et l’alcool.
De
plus, l’association alcool-tabac “surmultiplie” le
risque relatif.
Le
bilan préthérapeutique représente le point de départ
dans
l’histoire
de la maladie d’un patient, il va conditionner sa guérison
ou
son évolution, il se doit d’être précis et exhaustif. Il
aboutit à une
classification
TNM qui est un facteur pronostique majeur et la clef de
voûte
des indications thérapeutiques.
La
prise en charge des patients atteints de cancers ORL doit faire
l’objet
d’une concertation thérapeutique pluridisciplinaire.
Les
stratégies thérapeutiques conservatrices doivent être privilégiées.
Le
traitement est essentiellement radiochirurgical.
Le
pronostic de survie est mauvais. Pour tous stades et localisations
confondus,
la survie reste en moyenne entre 30 et 40 % à
5
ans.
orl/cancérologie
en
ligne sur / on line on
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Presse
Med. 2007; 36: 1634–42
©
2007 Elsevier Masson SAS
Tous
droits réservés.
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
doi:
10.1016/j.lpm.2007.03.036
1634
Mise au point
Situation
actuelle et objectifs
Les
cancers ORL ou des voies aérodigestives supérieures
(VADS)
regroupent les tumeurs solides de la cavité buccale,
du
pharynx et du larynx.
Ils
sont fréquents en Europe et particulièrement en France où leur
incidence
annuelle, la plus élevée après la Hongrie, constitue le
cinquième
cancer le plus fréquent, après les cancers du sein, du
côlon
et du rectum, de la prostate et du poumon. En France, cette
incidence
a été estimée en 2000 aux alentours de 20 000 nouveaux
cas
chez l’homme (4e rang par ordre de fréquence) et
3
000 nouveaux cas chez la femme (14e rang par ordre de fréquence).
La
mortalité chez l’homme, après un pic de fréquence à
39
pour 100 000 en 1976, a été divisée par 2 à ce jour, soit un
retour
au taux de 1950. Chez la femme si la mortalité est bien
moindre,
en revanche, elle a doublé depuis 1950, pour être à ce
jour
aux alentours de 8 pour 100 000. La mortalité des carcinomes
des
VADS est très inégale selon les régions françaises, dans
les
départements du Nord Pas-de-Calais, elle approche du double
de
celle des départements du Sud-Ouest [1].
En
France, 90 % des décès par cancer des VADS chez l’homme
sont
attribuables au tabac et/ou à l’alcool [1]. Il existe une
corrélation
entre l’âge du début de l’exposition, la dose
journalière,
la
durée de l’exposition et le risque carcinologique. La
mortalité
par cancers des VADS est 7 fois plus élevée chez les
fumeurs
de cigarettes que chez les non-fumeurs et reste 3 fois
plus
élevée chez les ex-fumeurs que chez les non-fumeurs. Le
rôle
du cannabis comme carcinogène est établi [2], en particulier
dans
l’incidence des cancers de la langue chez des sujets
de
moins de 40 ans. En ce qui concerne l’alcool, le risque est
proportionnel
à la dose d’alcool pur consommé, sans effet de
seuil.
L’association alcool-tabac “surmultiplie” le
risque relatif
de
cancer des VADS : un sujet qui fume 25 cigarettes et boit 10
verres
de vin (environ 100 g d’alcool pur) par jour voit son
risque
relatif multiplié par 100.
D’autres
facteurs de risque comme le bétel et les nitrosamines
carcinogènes
pour le cancer de la cavité buccale, le virus EBV
(Epstein-Barr Virus) pour les carcinomes indifférenciés du nasopharynx
(UCNT),
certains papillomavirus pour l’oropharynx ou le
larynx
(HPV 16 et 18), l’exposition aux hydrocarbures polycycliques
pour
la cavité buccale et le larynx, l’amiante pour le carcinome
du
larynx, les poussières de bois pour l’adénocarcinome de
l’ethmoïde
sont connus. L’immunodépression induite par certains
traitements
post-greffes ou acquise comme pour le sida prédispose
à
la survenue d’un cancer des VADS.
La
meilleure prévention des cancers ORL passe par une réduction
effective
et durable de la polyconsommation régulière du
tabac
et de l’alcool. Des actions éducatives régionales précoces
sont
à la base de toute politique de prévention.
Le
particularisme de ces tumeurs rend compte de l’histoire
naturelle
de ces cancers qui touchent le plus souvent l’homme
de
50 à 70 ans.
En
effet, dans leur grande majorité ce sont des carcinomes
épidermoïdes
plus ou moins différenciés (90 % des cas).
Ces
tumeurs siègent dans une région anatomique complexe,
aux
nombreuses localisations et sous-localisations, dont la
lymphophilie
est importante (15 à 50 % d’atteinte ganglionnaire
selon
le site tumoral pour les cous “N0”)
[3]. Ces particularités
compliquent
à la fois le bilan préthérapeutique et le
traitement
(abord chirurgical, procédé de réparation, balistique
des
radiations ionisantes à hautes doses, etc.).
En
France, la distribution de ces tumeurs selon la localisation
est
approximativement la suivante : cavités nasosinusiennes et
nasopharynx
5 %, lèvres 10 %, cavité buccale 20 %, oropharynx
25
%, larynx 25 %, hypopharynx 15 %.
Le
diagnostic est fait le plus souvent à un stade tardif chez des
patients
souvent négligents car l’évolution est essentiellement
locorégionale
cervicofaciale, et c’est à un stade déjà avancé
que
le syndrome de masse endocavitaire et/ou cervical va
entraîner
un retentissement fonctionnel sur les fonctions de
déglutition
et de respiration. Une adénopathie cervicale indolore
d’apparence
isolée est souvent longtemps négligée par le
patient.
Le larynx constitue une exception par la dysphonie
présente
dès le début de la maladie pour les tumeurs de la
corde
vocale.
Par
ailleurs, on note la grande fréquence des localisations multiples
synchrones
ou métachrones (10 à 20 %), le risque évolutif
important
de récidive locorégionale et un taux de métastases
à
distance (poumons, foie, os, système nerveux central)
de
5 à 15 %.
Les
comorbidités associées sont fréquentes (plus de 50 % des cas
lors
de la première consultation), notamment cardiorespiratoires,
hépatiques,
vasculaires et les carences nutritionnelles multiples.
Enfin
le caractère algique et mutilant de ces tumeurs malignes
qui
vont devenir “visibles” aggrave le handicap et augmente
encore
les difficultés thérapeutiques, compliquées de plus par
un
contexte socioprofessionnel souvent difficile.
Glossaire
CHEP
cricohyoïdoépiglottopexie
CHP
cricohyoïdopexie
EBV
Epstein-Barr Virus
EFR
épreuves fonctionnelles
respiratoires
EGF
Epidermal Growth Factor
IMRT
radiothérapie par modulation d’intensité
IRM
imagerie par résonance
magnétique
RC3D
radiothérapie conformationnelle
en
3 dimensions
RCMI
radiothérapie conformationnelle
avec
modulation d’intensité
REGF
récepteur de l’EGF
TDM
tomodensitométrie
TEP
tomographie par émission de
positons
UCNT
carcinomes indifférenciés
du
nasopharynx
VADS
voies aérodigestives
supérieures
Cancers
ORL : les grands principes thérapeutiques
orl/cancérologi
e
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1635
Mise au point
Les
objectifs thérapeutiques reposent d’une part sur la prévention
primaire
avec la diminution des facteurs de risque principaux
que
sont le tabac et l’alcool, la prévention secondaire par
le
dépistage théorique des sujets les plus à risque (tabac
alcool,
lésions précancéreuses, etc.) et d’autre part sur la stratégie
thérapeutique
adaptée de la maladie avérée (cas le plus
fréquent).
Le
bilan préthérapeutique représente le point de départ dans
l’histoire
de la maladie d’un patient, il va conditionner sa guérison
ou
son évolution, il se doit d’être précis et exhaustif. Le
bilan locorégional
nécessite
une pan-endoscopie ORL sous anesthésie générale,
associée
si possible à une fibroscopie bronchique et oesogastrique,
à
la recherche d’une seconde localisation (10 à 20 % des
cas)
ou d’une fréquente maladie associée (infection
bronchique,
oesophagite, ulcère
gastroduodénal, etc.). Des biopsies sont effectuées
à
visée histodiagnostique et un schéma résume l’examen
endoscopique.
Le bilan est complété par une imagerie médicale
orientée,
tête et cou (TDM : tomodensitométrie, IRM : imagerie
par
résonance magnétique, échographie) et à distance (TDM thoracomédiastinale,
TEP
: tomographie par émission de positons).
L’état
dentaire est apprécié (panorex, consultation spécialisée).
Le
bilan préthérapeutique aboutit à une classification TNM qui
est
un facteur pronostique majeur et la clef de voûte des indications
thérapeutiques.
Par
ailleurs, un bilan général clinique et biologique selon le
terrain
évalue non seulement l’opérabilité mais aussi les suites
fonctionnelles
prévisibles (EFR : épreuves fonctionnelles respiratoires,
bilan
cardiologique, vasculaire, etc.). On précise ainsi
l’état
général et nutritionnel du malade, l’impact des comorbidités
associées
en utilisant des scores pour aboutir à des échelles
de
classification pertinentes comme l’index de Karnovski, le
Performans
Status de l’OMS
ou le score ASA. L’âge chronologique
du
malade n’est pas un facteur limitant, c’est
plutôt
l’âge
physiologique qui sera apprécié.
Stratégie
thérapeutique
Traitements
chirurgicaux
Les
progrès de la chirurgie ont été réalisés dans 4 grandes
directions
: l’exérèse de la tumeur primitive, les évidements
ganglionnaires
cervicaux, la réparation de la perte de substance
chirurgicale
et la prise en charge du handicap pour les
chirurgies
mutilantes (laryngectomisés).
En
ce qui concerne les voies d’abord chirurgicales, les
techniques
les
moins mutilantes sont utilisées, en favorisant les
voies
camouflées comme le respect labial inférieur par la technique
du
degloving pour les tumeurs buccopharyngées postérieures
(buccopharyngectomies
transmandibulaires conservatrices)
[4]
ou bien encore l’usage de voies combinées
endorales
et cervicales pour le pharynx, qui préservent la
mandibule.
C’est aussi la voie vestibulaire supérieure
endobuccale
pour
les cavités nasosinusiennes.
L’exérèse
de la tumeur représente la limitation des indications
de
chirurgie mutilante du larynx (laryngectomie totale, pharyngolaryngectomie
totale)
avec trachéostomie définitive aux
lésions
évoluées T4 transglottiques ou en rattrapage postradique.
Les
laryngectomies partielles et reconstructrices sont
le
développement des techniques de conservation fonctionnelle
laryngée
; elles s’adressent aux lésions limitées du
pharyngolarynx
comme les laryngectomies ou pharyngolaryngectomies
supraglottiques,
les hémipharyngolaryngectomies
supraglottiques
ou supracricoïdiennes, la cricohyoïdoépiglottopexie
(CHEP),
la cricohyoïdopexie (CHP), ou la
laryngectomie
frontale antérieure reconstructive [5].
La
chirurgie ganglionnaire cervicale est bien systématisée et
les
aires de drainage sont sectorisées [6]. Les techniques de
curages
ganglionnaires cervicaux ont évolué, elles sont de
plus
en plus conservatrices, comme le curage dit fonctionnel
qui
respecte la veine jugulaire interne, le nerf spinal et le muscle
sternocleidomastoïdien,
mais aussi les branches de division
de
la carotide externe, le réseau veineux jugulaire externe, et
les
rameaux sensitifs profonds du plexus cervical. L’amélioration
des
techniques d’imagerie autorise la réalisation de curages
sélectifs
de secteurs ganglionnaires précis, et la lymphoscintigraphie
et
détection du ganglion sentinelle pour certaines
localisations
tumorales de la cavité buccale (T1 et T2 N0) est
encore
en cours d’évaluation. Le curage dit traditionnel reste
réservé
aux ganglions en rupture capsulaire ou à une masse
interstitielle
cervicale.
Des
progrès majeurs dans la chirurgie réparatrice de la face et
du
cou ont été réalisés cette dernière décennie [7]. Elle répond
à
des impératifs ambitieux qui sont une chirurgie la plus carcinologique
possible,
la diminution des complications postopératoires
et
de la morbidité afin de faciliter la réinsertion socioprofessionnelle
et
de rétablir une qualité de vie optimale.
Les
techniques de réparation font appel à des procédés classiques
comme
les sutures simples, les greffes cutanées et les
lambeaux
cutanés ou myocutanés locorégionaux pédiculés
(muscles
grand pectoral, grand dorsal, etc.). L’avènement des
lambeaux
pédiculés puis libres prélevés à distance et microanastomosés,
simples
ou composites, autorise l’augmentation
des
marges de sécurité d’exérèse par la possibilité de grandes
surfaces
disponibles et le comblement de volumes importants
(cancers
infiltrants). Ces lambeaux autorisent le sacrifice et la
réparation
de structures complexes comme la réparation d’une
interruption
mandibulaire (transplant osseux de fibula
[péroné],
parascapulaire, etc.), la reconstruction d’un voile du
palais
(lambeau antébrachial libre) ou d’une voûte palatine,
des
sillons vestibulaires ou pelvilinguaux.
Les
lambeaux vont permettre aussi le rétablissement de la
continuité
pharyngo-oesophagienne après pharyngolaryngectomie
circulaire
(lambeau antébrachial microanastomosé,
etc.)
ou de fermer un orostome ou un pharyngostome chirurgical
et
protéger ainsi un axe carotidien en prévenant fistule et
Poissonnet
G, Benezery K, Peyrade F, Bozec A, Bensadoun RJ, Marcy PY et al.
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1636
sepsis
cervical particulièrement en situation post-radique. Ceci
implique
une fiabilité optimale du lambeau et une morbidité
minimale
du prélèvement.
En
parallèle avec l’objectif carcinologique, la réinsertion
socioprofessionnelle
grâce
à une restauration de la qualité de vie
doit
être prise en compte d’emblée. Il s’agit de limiter les
séquelles
fonctionnelles par la préservation ou le rétablissement
des
fonctions de mastication, de déglutition, d’élocution
et
d’ouverture buccale, mais aussi de diminuer la rançon
esthétique
à la fois cervicofaciale et au niveau du site de prélèvement
du
lambeau. C’est donc savoir utiliser des techniques
fiables
pour conserver la mobilité linguale et l’indépendance
des
structures anatomiques (vestibules, plancher de la bouche),
restaurer
la continuité mandibulaire ou préserver la fonction
vélopharyngée,
ou bien encore restaurer la sangle labiomentonnière
ou
préparer et faciliter une réhabilitation
dentaire
ultérieure. Pour cela, il faut disposer d’un large choix
de
moyens de reconstruction adaptés à chaque type d’exérèse
et
d’une fiabilité maximale.
Toutes
ces techniques vont trouver une place de choix dans la
réparation
des tissus radionécrotiques ; il s’agit d’une
chirurgie
délicate
et difficile, comme celle de la prise en charge d’un
pharyngostome
post-radique évolué ou d’une ostéoradionécrose
mandibulaire.
Enfin,
la réhabilitation du laryngectomisé permet actuellement
d’obtenir
des résultats particulièrement gratifiants grâce à la
mise
en place d’une prothèse phonatoire dans le même
temps
que celui de la laryngectomie, l’utilisation précoce de
filtres
de trachéostome puis d’une valve phonatoire “mains
libres” qui
permet une vocalisation quasi naturelle grâce à
une
rééducation orthophonique ciblée.
Radiothérapie
La
radiothérapie est un traitement dit “locorégional” parce
qu’il
agit directement sur la zone du cancer et sur sa proche
périphérie,
notamment sur les premiers ganglions. L’irradiation
par
voie externe (transcutanée) est le type de radiothérapie le
plus
utilisé.
Le
traitement par radiothérapie implique un compromis entre la
nécessité
d’irradier suffisamment le tissu cancéreux pour
permettre
le
contrôle local de la tumeur et la volonté d’irradier au
minimum
les tissus sains voisins afin de limiter la morbidité. Les
progrès
technologiques en imagerie médicale, en informatique
et
en radiothérapie ont permis, depuis une décennie, de développer
la
radiothérapie conformationnelle, qui se “conforme” au
mieux
à la géométrie dans l’espace tridimensionnel de la
tumeur.
La radiothérapie conformationnelle en 3 dimensions
(RC3D),
en conformant les faisceaux d’irradiation au volume
tumoral
à traiter, présente théoriquement 2 avantages. D’une
part,
pour une dose d’irradiation similaire à la radiothérapie
conventionnelle,
elle diminuerait la morbidité des tissus sains
voisins.
D’autre part en permettant d’augmenter
la dose dans
les
tissus cibles, elle vise à améliorer le contrôle tumoral local,
sans
accroître la morbidité induite. On parle alors d’optimisation
de
l’index thérapeutique (rapport efficacité/toxicité).
Cela
est d’autant plus important dans les cancers des voies
VADS,
où les volumes cibles tumoraux sont à proximité de
nombreux
organes sensibles (que l’on souhaite donc protéger)
comme
la moelle épinière, la peau et les muqueuses, les pièces
osseuses
et cartilagineuses, les dents, les glandes salivaires
(parotides),
mais également les globes oculaires, les nerfs
optiques,
l’encéphale, etc. Il faut bien se représenter que le
ou
les
volumes-cibles considérés incluent non seulement la
tumeur
proprement dite, mais également les territoires
d’extension
éventuels et les aires ganglionnaires de drainage.
L’étape
ultérieure est la radiothérapie conformationnelle par
modulation
d’intensité ou “RCMI”.
Par son principe physique,
elle
permet de modifier volontairement la dose au sein même
du
champ d’irradiation, en modulant l’intensité
en énergie des
faisceaux
d’irradiation [8]. Le progrès de cette technique,
devenue
opérationnelle en France au cours de l’année 2000,
réside
essentiellement dans sa capacité à épargner les organes
à
risque et à couvrir de façon plus efficace (plus homogène et
plus
précise) les volumes cibles. C’est notamment le cas où les
volumes
cibles sont de forme concave autour d’organes à
risque
(tumeur de la paroi pharyngée postérieure enroulée
autour
de la colonne vertébrale par exemple) et plus particulièrement
en
cas de nécessité d’irradier de nouveau une
tumeur
[9]. Cette technique permet également l’escalade de
dose
avec un meilleur index thérapeutique, avec comme
espoir
un meilleur contrôle de la maladie et une amélioration
notable
de la qualité de vie. En effet, la protection des glandes
salivaires
peut apporter un confort non négligeable pour les
patients,
en diminuant voire en évitant l’hyposialie ou encore
“xérostomie”,
séquelle parfois majeure bien connue des traitements
par
irradiation sur la sphère ORL.
L’index
thérapeutique de la radiothérapie peut également être
augmenté
par différents moyens comme les modifications du
fractionnement,
l’utilisation de radiosensibilisants ou de
radioprotecteurs
ou
l’association avec de la chimiothérapie. Les progrès
obtenus
(ou attendus) grâce à ces possibilités incitent à
s’interroger
sur la place actuelle de la radiothérapie conventionnelle
dans
les cancers des VADS [10].
Le
fractionnement peut concerner la dose totale ou le temps
total.
À partir des modifications de ces paramètres, trois schémas
sont
possibles : hyperfractionné (augmentation de la dose
totale
à temps constant), accéléré (diminution du temps total
sans
modification de la dose totale) voire très accéléré (diminution
du
temps total et de la dose totale).
Au
cours de la radiothérapie hyperfractionnée, la diminution de la
dose/fraction
permet d’épargner les tissus sains à renouvellement
tardif
concernés par les effets tardifs du traitement (fibrose,
nécrose).
La dose peut être augmentée jusqu’à 80 Gy. Cette
radiothérapie
modifiée s’avère supérieure à la radiothérapie
Cancers
ORL : les grands principes thérapeutiques
orl/cancérologi
e
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1637
Mise au point
conventionnelle
en termes de contrôle tumoral local. En revanche,
elle
a peu d’impact sur la survie. Cependant la toxicité tardive,
qui
reste un facteur limitant de l’irradiation, n’est
pas
influencée
par l’augmentation de la dose totale.
La
radiothérapie accélérée se justifie par le fait que les cancers
épidermoïdes
de la tête et du cou sont des tumeurs à prolifération
extrêmement
rapide: leur temps de doublement potentiel
est
de moins de 3 jours. Par ailleurs, par rapport à la radiothérapie
conventionnelle,
l’allongement de la radiothérapie a
un
effet néfaste lié à la probabilité de perte de contrôle tumoral,
qui
est variable, mais constante. D’où l’idée
d’accélérer le
traitement
pour obtenir de meilleurs résultats. Une hypothèse
qui
semble confirmée en termes de contrôle local de la
tumeur,
mais, là encore, sans effet significatif sur la survie.
Enfin,
la curiethérapie consiste à délivrer des rayons au plus
près
de la tumeur par l’intermédiaire de sources radioactives
telles
que le césium-137, l’iridium-192 ou l’iode-125.
Ces
sources sont appliquées dans l’organisme au contact des
cellules
cancéreuses, soit directement, soit scellées dans des
“vecteurs”.
Cette méthode permet d’irradier la tumeur en protégeant
au
maximum les organes voisins et dans certains cas
d’éviter
les traitements chirurgicaux. La curiethérapie s’adresse
au
traitement de tumeurs de petit volume, aux contours précis
et
facilement accessibles (voile du palais, luette, etc.).
Les
effets secondaires observés durant l’irradiation sont
essentiellement
la
radio-épithélite et la radiomucite qui peuvent
nécessiter
la mise en place d’une alimentation entérale continue
par
sonde. Ils sont habituellement réversibles mais leur
intensité
peut parfois imposer l’arrêt du traitement qui est un
facteur
pronostique péjoratif pour le contrôle de la maladie et
la
survie. Les complications chroniques surviennent à partir de
la
sixième semaine après la fin du traitement ; les plus fréquentes
sont
la xérostomie et l’induration tégumentaire cervicale.
Les
complications dentaires doivent être prévenues par la
remise
en état avant traitement et par des soins quotidiens
(bains
de bouche, gouttières fluorées) à vie. La toxicité tardive
comme
la constriction permanente des maxillaires, la sténose
pharyngée,
la nécrose laryngée et la myélite post-radique plus
rares
sont toujours à redouter. La toxicité actinique peut être
majorée
par une chimiothérapie concomitante.
Chimiothérapie
La
chimiothérapie a été proposée pour tenter d’améliorer le
contrôle
local et la survie selon plusieurs modalités [4, 11] :
en
induction, adjuvante ou concomitante à la radiothérapie.
Jusqu’à
présent, aucun des médicaments utilisés, seuls ou
combinés,
en induction ou dans un but adjuvant n’a jamais
démontré
un bénéfice significatif sur la survie quels que soient
le
stade et la localisation tumorale [12].
Cependant,
la chimiothérapie d’induction a montré un intérêt
dans
la préservation laryngée, des cancers avancés du larynx
et
de l’hypopharynx, avec une bonne corrélation entre la
chimiosensibilité
et
la radiosensibilité, en permettant des taux de
larynx
préservés non opérés de l’ordre de 40 à 60 % à survie
inchangée
[12-15]. Les modalités actuelles reposent soit sur
l’administration
classique de cisplatine à 100 mg/m2 à J1 et de
5-FU
à 1 000 mg/m2 de J1 à J5, selon 3 cycles débutant à J1,
J22,
J43 (protocole PF), soit sur une combinaison de taxotère à
75
mg/m2 à J1, de cisplatine à 75 mg/m2 à
J1 et de 5-FU à
750
mg/m2 de J1 à J5, selon 3 ou 4 cycles débutant à J1, J22,
J43
(protocole TPF, essais EORTC 24971/TAX 323). L’apport du
taxotère
a permis la diminution des doses de cisplatine et de
5-FU
favorisant ainsi la tolérance et l’observance au traitement.
Le
protocole TPF suivi de radiothérapie est significativement
supérieur
au protocole PF suivi de radiothérapie en termes
de
taux de réponse, de survie sans progression de la
maladie
et de survie globale (essai GORTEC 2000-01). L’efficacité
du
protocole TPF en induction a été confirmée avant radiochimiothérapie
(avec
carboplatine) en termes de survie sans
progression
(essai TAX 324). La chimiothérapie d’induction
puis
concomitante à la radiothérapie améliore le taux de
réponse
au prix d’une toxicité muqueuse plus élevée de
l’ordre
de 20 % [16]. Le protocole TPF s’impose actuellement
comme
le nouveau standard quand une chimiothérapie
d’induction
est indiquée.
L’association
concomitante de la chimiothérapie cytotoxique et
de
la radiothérapie permet d’améliorer le contrôle local et de
réduire
le risque de dissémination métastatique des tumeurs
avancées
(stades III et IV). Elle est également une alternative
possible
comme traitement exclusif des tumeurs du pharyngolarynx
qui
relèvent d’une laryngectomie totale [17].
La
radiochiomiothérapie a été évaluée avec une monothérapie
(5-FU,
hydroxyurée, mitomycine, sels de platine) ou en
polychimiothérapie.
Actuellement
elle peut être considérée comme un traitement
standard
des tumeurs de stades III et IV non résécables, en
sachant
que la mucite en est le principal facteur de toxicité
limitant
[18]. La toxicité tardive est plus fréquente pour les
tumeurs
du larynx et de l’hypopharynx, et son bénéfice n’a
pas
été réellement démontré chez les patients âgés de plus de
70
ans.
Deux
essais randomisés comparant la radiothérapie et la radiochimiothérapie
postopératoire
(avec 3 cures de cisplatine) chez
des
patients atteints d’un cancer des VADS avec au moins
2
facteurs de risques péjoratifs (marges d’exérèse tumorale,
adénopathie
en rupture capsulaire) ont démontré une amélioration
de
la survie en faveur de la radiochimiothérapie postopératoire
(EORTC
22981, RTOG 9501) [14, 19].
Des
protocoles de réirradiation avec chimiothérapie concomitante
pour
les récidives locorégionales ont été proposés sans
progrès
décisifs en termes de survie et au prix d’une toxicité
élevée.
Le traitement des récidives locorégionales par réirradiation
avec
chimiothérapie concomitante (5-FU et hydroxyurée)
Poissonnet
G, Benezery K, Peyrade F, Bozec A, Bensadoun RJ, Marcy PY et al.
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1638
après
chirurgie de rattrapage [20] n’a montré qu’un
avantage
en
ce qui concerne la survie sans progression de la maladie et
aucune
amélioration de la survie globale.
Thérapies
ciblées
Les
avancées récentes dans la compréhension des mécanismes
moléculaires
de l’oncogenèse et particulièrement dans les voies
de
la signalisation cellulaire ont permis de développer des drogues
plus
spécifiques qui ciblent sélectivement les cellules cancéreuses.
Dans
le cas des cancers ORL, le récepteur membranaire à
l’EGF
(Epidermal Growth Factor) est souvent surexprimé par les
cellules
tumorales [21, 22]. Cette surexpression majore le niveau
de
prolifération tumorale, le risque de récidive métastatique et le
risque
de radiorésistance. C’est un facteur pronostique indépendant
reconnu
(mais peu utilisé) ainsi qu’une cible thérapeutique
de
choix, soit par l’utilisation d’un anticorps monoclonal
(cétuximab),
soit
par l’application d’un inhibiteur spécifique de l’activité
tyrosine-kinase
intracellulaire du REGF ou récepteur de l’EGF (erlotinib,
géfitinib).
Des résultats cliniques récents ont montré un
effet
chimio et radiosensibilisant de drogues ciblant le REGF
[23].
Une étude récente multicentrique a démontré la supériorité,
en
termes de contrôle local et de survie, de l’association d’un
anti-REGF
(cétuximab) radiothérapie, versus
radiothérapie seule,
concernant
des tumeurs avancées (stades II et IV) non métastatiques,
sans
augmentation de la toxicité [24]. La critique principale
de
cet essai étant un bras de référence non optimal puisque
ne
comportant que de la radiothérapie sans chimiothérapie.
L’apport
des thérapies ciblées combinées à la chimiothérapie pour
le
traitement des cancers en récidive locorégionale ou en phase
métastatique
et progressant sous chimiothérapie est encore en
évaluation.
Deux études récentes de phase II ont montré la faisabilité
en
termes de tolérance (anémie, réaction acnéiforme, troubles
digestifs),
sans augmentation de la survie [25-27].
Traitements
associés
Dès
l’annonce du diagnostic le patient est inscrit dans un
parcours
de
soins balisé. Les soins de support multidisciplinaires
sont
coordonnés. Ils contribuent à la prise en charge globale
du
malade tout au long de sa maladie. Ils concernent la douleur,
l’asthénie,
les problèmes nutritionnels, digestifs et odontologiques,
les
troubles respiratoires, le handicap phonatoire
(laryngectomisés),
la réadaptation sociale et l’aide psychologique
(souffrance
psychique et dénaturation de l’image corporelle).
L’aide
au sevrage de l’alcool et du tabac est réalisée
autant
que possible. Cette prise en charge continue va
jusqu’au
stade ultime de l’accompagnement en fin de vie
dans
les situations palliatives sans possibilité curative.
Indications
Le
traitement des cancers ORL nécessite un bilan préthérapeutique
très
précis de l’extension tumorale locorégionale ainsi
que
du terrain et de la comorbidité associée. Il doit prendre
en
considération à la fois le site tumoral primitif et les aires
ganglionnaires
cervicales (métastases) de principe ou de
nécessité
[3, 10].
Plusieurs
techniques peuvent être utilisées, seules ou combinées.
Si
la chirurgie et la radiothérapie peuvent à elles seules
être
curatrices, la chimiothérapie ne peut se concevoir qu’en
association
néoadjuvante ou synchrone de la radiothérapie
unique
ou postopératoire. Ces méthodes thérapeutiques multiples,
dans
leur choix comme dans leurs modalités, la complexité
même
de ces tumeurs sur le plan anatomofonctionnel,
l’évolution
locorégionale naturellement monstrueuse, imposent
tout
naturellement la nécessité d’une réflexion et d’un
choix
multidisciplinaire, le respect des référentiels classiques
(standards,
options et recommandations, niveaux de preuves,
etc.),
l’établissement de thésaurus par unité de
concertation,
la
définition de critères de choix et d’arbres décisionnels adaptés
par
les équipes traitantes : traitement exclusif par chirurgie
ou
radiothérapie, choix des traitements combinés (chirurgie ou
radiothérapie
première), indications des traitements de rattrapage
dans
les cas encore fréquents de récidive locorégionale.
La
concertation multidisciplinaire permet en outre l’inclusion
de
certains malades dans les essais thérapeutiques en cours.
Elle
permet aussi une prise en charge optimale des soins de
support
(algologie, renutrition par sonde nasogastrique ou gastrostomie,
soutien
psychologique, etc.).
Il
existe des facteurs déterminants dans le choix thérapeutique
que
sont : la localisation et la sous-localisation tumorale,
l’aspect
macroscopique lésionnel (bourgeonnant ou infiltrant,
inflammatoire,
bien limité ou non), la taille tumorale, le statut
ganglionnaire
et la présence de métastases à distance (stade
TNM),
le contexte carcinologique historique (récidive, seconde
localisation,
post-radique, etc.), l’âge physiologique et la
comorbidité.
Les
tendances thérapeutiques actuelles, dans le respect des
principes
de la carcinologie, sont au développement des stratégies
conservatrices,
chirurgicales ou non chirurgicales [17].
Dans
les centres spécialisés, la recherche clinique a pour but
de
favoriser les progrès thérapeutiques à partir des résultats
des
études cliniques et de définir des nouveaux protocoles.
Selon
les stades
Pour
les tumeurs débutantes T1-T2 N0, selon la localisation, le
traitement
de choix est la chirurgie fonctionnelle ou la radiothérapie
exclusive
(curiethérapie, conventionnelle ou IMRT :
radiothérapie
par modulation d’intensité). La chirurgie peut
être
transorale, endoscopique (laser CO2) ou par voie cervicale
(pharyngectomies
et laryngectomies partielles) ; pour la majorité
des
cas, un curage ganglionnaire sélectif ou radical modifié,
uni
ou bilatéral est réalisé de principe. Il n’y a pas de place
pour
la chimiothérapie.
Cancers
ORL : les grands principes thérapeutiques
orl/cancérologi
e
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1639
Mise au point
Pour
les tumeurs évoluées T3-T4 N > 0, plusieurs options sont
possibles,
le choix doit être adapté à chaque cas particulier.
La
chirurgie, fonctionnelle ou radicale et réparatrice sur la
tumeur
et les ganglions, sera toujours suivie d’une radiothérapie
postopératoire
conventionnelle ou associée à la chimiothérapie
si
des facteurs de mauvais pronostic sont présents.
La
radiothérapie exclusive, sur le mode conventionnel, bifractionnée,
ou
accélérée avec concomitant boost, peut être associée
à
la chimiothérapie ou à une thérapie moléculaire ciblée
(cétuximab
400 mg/m2 une semaine avant le début de la
radiothérapie
puis 250 mg/m2 hebdomadaire pendant la
durée
de la radiothérapie) [27]. La chimiothérapie concomitante
fait
appel au cisplatine, au 5-FU, au carboplatine et à la mitomycine
C,
selon des schémas de mono ou polychimiothérapies.
La
préservation laryngée fait appel soit à une chimiothérapie
d’induction
selon le protocole PF ou TPF suivi de radiothérapie
conventionnelle
en cas de réponse > 50 % ou de laryngectomie
totale,
curage bilatéral et radiothérapie complémentaire
en
cas de réponse < 50 % ; soit à une radiochimiothérapie
avec
du cisplatine à 100 mg/m2 à J1, J22 et J43 puis une surveillance
simple
en cas de réponse complète ou une laryngectomie
totale
et un curage ganglionnaire en cas de réponse
incomplète
[4, 10, 17].
Selon
la localisation
Les
carcinomes de la cavité buccale sont de façon classique
traités
et contrôlés par la chirurgie dans 60 à 90 % des cas,
la
radiothérapie postopératoire étant réservée aux formes infiltrantes
évoluées
ou aux cas d’atteinte ganglionnaire multiple.
Les
tumeurs de l’oropharynx sont traitées en première intention
soit
par radiothérapie, soit par chirurgie suivie de radiothérapie
pour
les formes plus infiltrantes (en particulier le sillon
amygdaloglosse).
Pour
les carcinomes du larynx : les tumeurs limitées peuvent
être
traitées par la chirurgie fonctionnelle exclusive, mis à part
le
cas particulier de la corde vocale où la radiothérapie exclusive
en
champs étroits reste une excellente indication. Pour les
tumeurs
plus évoluées la laryngectomie totale garde une indication
pour
les lésions transfixiantes cartilagineuses ou les
extensions
sous-glottiques avancées ; dans les autres cas, des
protocoles
de conservation laryngée doivent être proposés.
Pour
les carcinomes de l’hypopharynx, les lésions limitées
peuvent
être traitées par chirurgie partielle suivie de radiothérapie,
les
formes évoluées relevant de protocoles de préservation
laryngée,
la chirurgie mutilante (pharyngolaryngectomie
totale,
pharyngolaryngectomie circulaire) étant plutôt réservée
pour
le rattrapage des échecs médicaux [4].
Les
carcinomes des cavités nasosinusiennes sont traités préférentiellement
par
l’association chirurgie suivie de radiothérapie
externe.
Le
carcinome peu différencié du cavum est traité par radiothérapie
exclusive
selon le mode conformationnel ou au mieux
par
RCMI (radiothérapie conformationnelle avec modulation
d’intensité)
pour les formes limitées (T1 et T2 N0), tandis
que
pour les formes plus évoluées, l’association d’une
chimiothérapie
avec
la radiothérapie est la règle [28].
Résultats
La
localisation, la taille de la tumeur primitive et les métastases
ganglionnaires
cervicales sont les principaux facteurs qui déterminent
la
survie des carcinomes épidermoïdes des VADS.
L’analyse
des taux de survie est rendue difficile par la grande
hétérogénéité
de ces tumeurs, par l’importance de la lymphophilie
et
son retentissement dans la survie, par la complexité
des
traitements mis en oeuvre et la difficulté de mener des
essais
randomisés prolongés dans le temps. Tous stades et
localisations
confondus la survie reste en moyenne entre 30 et
40
% à 5 ans [11].
Selon
le stade
En
ce qui concerne les tumeurs débutantes T1-T2 N0, le
contrôle
local est de l’ordre de 90 % et la survie à 5 ans de
l’ordre
de 80 %. Le risque essentiel est l’apparition d’un
second
cancer dans les 2 ans.
Pour
les tumeurs avancées T3-T4 N > 0, le contrôle locorégional
de
la maladie est de 40 à 80 % selon la localisation et la
survie
à 5 ans de 20 à 50 %. Le risque de récidive locale est de
40
à 60 % ; celui de métastases à distance de 15 à 30 % ; celui
de
second cancer de 10 à 15 %.
Selon
la localisation
Pour
la cavité buccale, la survie globale moyenne à 5 ans est
de
l’ordre de 50 % tous stades, sous-localisations
(plancher,
langue,
palais, face interne de joue, etc.) et traitements
confondus.
Pour
l’oropharynx, la survie à 5 ans varie de 10 à 60 %
selon le
stade
et la sous-localisation (amygdale, vallécules, base de
langue,
paroi pharyngée postérieure).
Pour
le larynx le taux de survie globale à 5 ans tous stades
confondus
est de l’ordre de 60 % (80 à 95 % pour les petites
tumeurs
de la corde vocale, mais aux alentours de 50 % pour
les
tumeurs plus avancées).
Pour
l’hypopharynx (tous stades et sous-localisations
confondus),
les
résultats globaux en termes de survie restent médiocres,
de
l’ordre de 15 à 25 % à 5 ans.
La
survie à 5 ans des carcinomes épidermoïdes des cavités
nasosinusiennes
est de 50 à 70 % pour les tumeurs limitées
(T1
T2), et de 25 à 30 % pour les formes évoluées (T3 T4).
L’association
radiochimiothérapie concomitante a montré des
taux
de survie de plus de 70 % pour des formes avancées
des
carcinomes nasopharyngés (stades III et IV) [28].
Les
cancers de la tête et du cou présentent un risque important
de
récidive locorégionale lors des 2 premières années qui
Poissonnet
G, Benezery K, Peyrade F, Bozec A, Bensadoun RJ, Marcy PY et al.
tome
36 > n° 11 > novembre 2007 > cahier 2
1640
suivent
le traitement initial. Le traitement de ces récidives
reste
difficile et souvent décevant, particulièrement quand la
récidive
survient après un traitement chirurgical suivi de radiothérapie
postopératoire.
La question d’une chirurgie de rattrapage
après
radiochimiothérapie devient une éventualité de
plus
en plus fréquente, mais le pourcentage de patients qui
peuvent
en bénéficier n’excède pas 50 %, excepté pour les
récidives
laryngées. Les résultats en termes de survie se
situent
alors autour de 15 à 25 % à 5 ans. Par ailleurs, les
résultats
fonctionnels après chirurgie de rattrapage sont souvent
médiocres
[29].
Le
risque de métastase à distance est de l’ordre de 15 % par
an,
plus particulièrement encore pour certaines localisations
comme
l’oropharynx ou l’hypopharynx.
Conclusion
Concernant
les tumeurs limitées, la chirurgie fait appel aux
techniques
de conservation fonctionnelle, tandis que pour les
tumeurs
avancées, les pertes de substance sont traitées par
des
techniques de reconstruction complexes, notamment par
les
lambeaux libres.
La
radiothérapie conformationnelle apporte un progrès indiscutable
dans
la prise en charge de ces tumeurs tant sur le plan
de
l’efficacité que des effets adverses. Pour les tumeurs
avancées,
la
radiochimiothérapie concomitante et la radiothérapie
hyperfractionnée
(escalade de doses) ont montré une augmentation
modérée
mais significative des taux de survie et
de
contrôle locorégional. La radiochimiothérapie postopératoire
est
indiquée dans les formes de mauvais pronostic chez
les
sujets âgés de moins de 70 ans. L’association du cisplatine,
du
5-FU et du taxotère est le nouveau standard de la chimiothérapie
d’induction
pour la préservation laryngée dans les
tumeurs
avancées (T3-T4).
L’association
d’une thérapie moléculaire ciblée à la radiothérapie
a
montré sa supériorité (par rapport à la radiothérapie
exclusive)
dans la survie pour les tumeurs avancées.
Le
traitement des récidives locales dépend des possibilités de
rattrapage
chirurgical et/ou de la réirradiation dont les indications
restent
souvent limitées.
L’efficacité
de certaines molécules en phase 2 métastatique
n’a
jamais été confirmée dans les phases 3 où le bras de référence
comprenait
des sels de platine.
La
classification TNM reste le meilleur indicateur pronostique
de
la survie.
Si
les progrès thérapeutiques ont indiscutablement apporté
une
amélioration en termes de morbidité et de qualité de
vie,
et si les petites tumeurs gardent un pronostic acceptable,
avec
un contrôle local dans 80 % des cas, dans les tumeurs
avancées
le contrôle local est obtenu dans seulement 30 à
60
% des cas et la survie à 5 ans est de 15 à 40 %.
Concernant
les thérapeutiques classiques de ces tumeurs ORL,
les
progrès potentiels que l’on peut attendre, notamment en
balistique
de radiothérapie, en chirurgie réparatrice avec les
lambeaux
libres, avec de nouvelles drogues cytotoxiques en
chimiothérapie,
amélioreront très certainement le pronostic
de
ces tumeurs. C’est l’association de ces thérapies
standards
qui
permettra un meilleur contrôle tumoral. Le développement
des
essais cliniques coopératifs est un impératif pour tester
objectivement
ces nouvelles stratégies.
C’est
certainement en biologie moléculaire que les progrès
sont
à attendre en améliorant la connaissance de la signalétique
des
cellules tumorales, pour mettre en évidence de nouvelles
cibles
thérapeutiques.
Conflits
d’intérêts : aucun
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